Lorsqu’on bénéficie de l’aide juridictionnelle pour être assisté par un avocat dans le cadre d’une procédure judiciaire, il arrive parfois qu’on souhaite changer de conseil en cours de route. Que ce soit pour cause d’incompréhension, de désaccord sur la stratégie à adopter ou tout simplement parce que le courant ne passe plus, c’est un droit fondamental du justiciable de pouvoir choisir librement son défenseur. Cependant, dans le cas particulier de l’aide juridictionnelle, la démarche de changement d’avocat doit respecter certaines règles pour garantir la continuité de la prise en charge financière des frais de justice par l’État. Explications.

Le libre choix de l’avocat, un droit inaliénable du justiciable

Rappelons tout d’abord un principe essentiel : le libre choix de son avocat par le justiciable. Qu’on bénéficie ou non de l’aide juridictionnelle, c’est un droit fondamental prévu par la loi. L’article 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose ainsi que « chacun peut, à sa demande, être assisté et représenté devant les juridictions par un avocat de son choix ».

Ce libre choix s’applique à toutes les étapes de la procédure, y compris lorsqu’un avocat a déjà été désigné par le bâtonnier pour assister le justiciable au titre de l’aide juridictionnelle. Le bénéficiaire de l’aide peut donc à tout moment décider de changer de conseil, sans avoir à se justifier.

Ce droit au libre choix a pour corollaire une autre règle déontologique importante de la profession d’avocat : la liberté d’accepter ou de refuser un dossier. Un avocat n’est jamais tenu d’accepter une mission qu’il ne souhaite pas, même s’il est commis d’office. En cas de refus, le bâtonnier désignera un autre avocat pour le remplacer.

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Changer d’avocat avec l’aide juridictionnelle : mode d’emploi

Si en théorie le changement d’avocat est un droit, en pratique la démarche doit respecter une certaine procédure lorsqu’on bénéficie de l’aide juridictionnelle :

1. Trouver un nouvel avocat

La première étape consiste bien sûr à trouver le nouvel avocat qui va vous représenter. Vous pouvez le choisir librement, qu’il fasse partie du même barreau que l’avocat initial ou non. Le seul impératif est qu’il accepte les dossiers d’aide juridictionnelle, ce qui est le cas de la grande majorité des avocats. N’hésitez pas à rencontrer plusieurs avocats avant de vous décider.

Si vous avez des difficultés à trouver un avocat disponible, vous pouvez demander conseil au bureau d’aide juridictionnelle ou vous renseigner auprès de la maison de la justice et du droit la plus proche. Des permanences gratuites d’avocats y sont régulièrement organisées.

2. Informer l’avocat initial

Une fois que vous avez trouvé votre nouvel avocat, il faut en informer officiellement l’avocat qui s’occupait jusqu’à présent de votre dossier. La démarche peut se faire par courrier simple, mais il est préférable d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception pour éviter toute contestation. Vous pouvez également remettre le courrier en main propre à l’avocat ou à son cabinet, en demandant un récépissé.

Votre ancien avocat ne peut pas s’opposer à votre décision de le dessaisir du dossier. Cependant, il est en droit de demander le paiement des frais déjà engagés et des diligences accomplies, dans la limite de ce qui est prévu par l’aide juridictionnelle.

3. Informer le bureau d’aide juridictionnelle

Après avoir prévenu votre premier avocat, vous devez avertir le bureau d’aide juridictionnelle de votre changement de conseil. Cette démarche est indispensable pour que votre nouvel avocat puisse à son tour bénéficier du paiement de l’État au titre de l’aide juridictionnelle.

Concrètement, vous devez envoyer au bureau d’aide juridictionnelle un courrier indiquant le nom de votre nouvel avocat, accompagné d’une nouvelle demande d’aide juridictionnelle. Vous pouvez utiliser le même formulaire cerfa n°15626*01 que pour votre demande initiale. Joignez les pièces justificatives de vos ressources si celles-ci ont changé depuis votre première demande.

4. Faire une demande de changement d’avocat désigné

Si votre premier avocat vous avait été désigné par le bâtonnier dans le cadre de l’aide juridictionnelle (avocat « commis d’office »), il faut également demander officiellement à ce qu’un nouvel avocat vous soit désigné, en remplacement du premier.

Pour cela, adressez un courrier au bâtonnier de l’ordre des avocats en exposant les raisons pour lesquelles vous souhaitez changer d’avocat désigné. Vous n’avez pas à entrer dans les détails, le bâtonnier n’a pas à apprécier le bien-fondé de votre demande. Indiquez simplement que vous souhaitez dorénavant être assisté par Maître X, dont vous communiquez les coordonnées.

Le bâtonnier pourra alors désigner officiellement votre nouvel avocat en lieu et place de l’ancien. Cette désignation permettra la prise en charge des frais au titre de l’aide juridictionnelle.

5. Récupérer son dossier

Dernière étape, et non des moindres, il faut que votre nouveau conseil puisse récupérer l’intégralité de votre dossier auprès de l’avocat dessaisi. C’est une obligation déontologique prévue à l’article 13 du décret du 12 juillet 2005 :

Lorsqu’il est déchargé d’un dossier, l’avocat restitue sans délai les pièces dont il est dépositaire […]. Il ne peut en aucun cas subordonner cette restitution au paiement des honoraires ou frais dus par le client.

Si votre ancien avocat tarde à transmettre votre dossier, n’hésitez pas à le relancer par courrier recommandé. En cas de blocage, vous pouvez saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats, qui peut ordonner sous astreinte la restitution des pièces.

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Les honoraires de l’avocat dessaisi

La question du paiement des honoraires de l’avocat qui n’a pas terminé sa mission est souvent source de tensions au moment d’un changement de conseil. L’avocat est en effet en droit de demander à être rémunéré pour le travail effectué, même si le dossier est repris avant son terme par un confrère.

Cependant, le montant des honoraires doit rester dans les limites de ce qui est prévu par le barème de l’aide juridictionnelle, qui fixe un plafond de rétribution selon le type de procédure. L’avocat dessaisi ne peut pas demander au client de lui régler des honoraires supplémentaires au-delà de ce barème.

S’il estime que le montant prévu est insuffisant par rapport au travail accompli, l’avocat peut toujours demander au juge une rétribution complémentaire, dans les conditions prévues par les textes (articles 93 et 94 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 relatif à l’aide juridique). Le montant de cette rétribution sera alors fixé « en fonction des diligences accomplies au cours de l’instance ».

Que faire en cas de refus de l’avocat de restituer le dossier ?

Comme indiqué précédemment, l’avocat dessaisi a l’obligation déontologique de transmettre sans délai le dossier de son client à son successeur. Il ne peut en aucun cas conditionner cette transmission au paiement préalable de ses honoraires.

Si vous vous heurtez malgré tout à un refus de restitution de votre dossier, plusieurs recours sont possibles. Dans un premier temps, une solution amiable est toujours préférable. Une discussion entre avocats permet souvent de débloquer la situation. Votre nouveau conseil peut contacter son confrère pour lui rappeler ses obligations déontologiques et tenter de le convaincre de lui remettre les pièces de votre dossier.

En cas d’échec, il est possible de saisir le bâtonnier de l’ordre des avocats par courrier recommandé avec accusé de réception, en lui demandant d’intervenir pour faire appliquer les règles professionnelles. Le bâtonnier dispose d’un pouvoir d’injonction pour ordonner sous astreinte la restitution des pièces.

À défaut, une procédure contentieuse peut être engagée devant le président du tribunal judiciaire pour obtenir la restitution des pièces sous astreinte, sur le fondement de l’article 14 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

Il faut savoir qu’un avocat qui persiste à refuser de restituer le dossier de son client s’expose à des poursuites disciplinaires. Un tel comportement constitue en effet une faute déontologique susceptible d’être sanctionnée par les instances ordinales.

Et si je veux changer d’avocat en cours d’instance ?

Si vous souhaitez changer d’avocat non pas en début de procédure, mais en cours d’instance, des règles spécifiques s’appliquent pour organiser la transition entre les deux conseils successifs.

Tout d’abord, il faut savoir que le changement d’avocat en cours d’instance est soumis à l’autorisation du juge saisi du dossier. Le nouvel avocat doit justifier d’un mandat de représentation et demander à être substitué à l’ancien conseil. Le juge peut autoriser ou refuser la substitution, mais en pratique il fait généralement droit à la demande.

Ensuite, si l’affaire a été fixée à plaider à une date proche (en générale moins de 2 mois), le juge est en droit de refuser le changement d’avocat, ou de le conditionner à un report de l’audience. Il s’agit d’éviter que le changement tardif d’avocat ne perturbe le bon déroulement de la procédure.

Aide juridictionnelle et assurance de protection juridique

Il est important de savoir que l’aide juridictionnelle n’est accordée qu’à titre subsidiaire aux justiciables qui disposent de faibles ressources. Si vous bénéficiez déjà d’une assurance de protection juridique susceptible de prendre en charge vos frais de procédure, c’est d’abord auprès de cet organisme que vous devrez solliciter une prise en charge.

La loi prévoit d’ailleurs qu’un justiciable qui demande l’aide juridictionnelle alors qu’il est couvert par une assurance de protection juridique encourt des sanctions (amendes). Avant de déposer une demande d’aide, vérifiez donc bien les conditions de votre contrat d’assurance.

Si vous n’avez droit qu’à une prise en charge partielle des frais par votre assurance, vous pouvez demander une aide juridictionnelle « complémentaire » pour couvrir le reste des frais. Il faudra alors fournir une attestation de votre assureur protection juridique précisant le plafond de garantie et la nature des frais couverts.

Comment se prémunir des différends avec son avocat ?

Un avocat est un partenaire de confiance, avec qui il est important d’établir une relation transparente dès le début de son intervention. C’est la clé pour éviter les malentendus et les déconvenues.

Avant même de lui confier votre dossier, n’hésitez pas à poser toutes vos questions à l’avocat, sur ses honoraires, ses disponibilités, sa stratégie pour défendre vos intérêts. Tout doit être dit et consigné par écrit. L’avocat est tenu de vous remettre une convention d’honoraires détaillant ses conditions d’intervention.

En cours de dossier, maintenez le dialogue avec votre conseil. Tenez-le informé de l’évolution de votre situation, transmettez-lui les pièces et informations utiles en temps et en heure. Et inversement, n’hésitez pas à le relancer s’il tarde à vous tenir au courant de l’avancée de la procédure.

Si malgré tout des différends apparaissent avec votre avocat, privilégiez là aussi le dialogue et la discussion dans un premier temps. Un malentendu est vite arrivé. Si le désaccord persiste, vous avez toujours la possibilité de changer d’avocat, dans les conditions rappelées dans cet article.

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